Six heures du matin, lundi. J’arrive chez moi en marchant et rejoins mon lit avec plaisir. Comment ça se fait ? Je viens de passer le week-end à faire du stop. Trois jours pour parcourir plus de 1800 kilomètres avec exactement zéro euro. Le défaut ? Il faut du temps et un peu de patience. L’avantage ? De super rencontres. Je vous conseille sincèrement de faire du stop et vais donc vous raconter mon week-end en détails.
Commencer sa route
Pour faire du stop, évidement on peut partir n’importe quand. Mais si il y a bien une chose que cette expérience m’aura appris c’est que le jour est de loin préférable à la nuit. C’est pourquoi mon choix de partir à 8h le vendredi matin était le bon. Surtout étant donné la distance que je voulais couvrir. La première raison de ce voyage était en effet une rencontre autour d’une cryptomonnaie qui se tenait à Aachen le vendredi à 17 heures. Je me suis donc mis en route sans aucune certitude d’arriver à temps mais avec l’envie de découvrir ce mode de transport en perte de vitesse.
J’habite proche d’une entrée de l’autoroute A29, non loin du Havre. Cette autoroute permet de rejoindre Amiens puis le nord de la France, c’était donc le choix idéal pour le premier trajet. Je ne vais pas vous apprendre à faire du stop, si le sujet vous intéresse je vous conseille cet excellent wiki sur le sujet. Cependant je peux vous parler de mon seul investissement : une belle ardoise blanche Velleda avec un feutre effaçable Bic. Environ 5€ et réutilisable pour des jeux entre amis ou réviser vos tables de multiplications. Je vous conseille aussi de vous munir d’un peu d’eau et de nourriture en plus de votre sac à dos d’habits adaptés à la météo.
Première étape
Je me suis donc posté avec mon sac vissé sur les épaules à l’entrée de l’autoroute, un peu avant le péage. Bien en vue avec mon ardoise indiquant Amiens et mon pouce levé vers le ciel à chaque passage d’une voiture. On regarde les gens, on sourit et on attends. Au bout d’une petite demi heure une première voiture s’arrête et me voilà parti dans la bonne direction. Je fais les premiers kilomètres avec quelqu’un qui travaille pour une grande école d’ingénieurs. Nous discutons donc formation et projet professionnel. Il me dépose ensuite à l’entrée d’autoroute de Beautot au nord de Rouen.
Je me remet alors à poucer, déterminé. La-bàs il me faudra attendre une heure avant que deux femmes m’appellent après avoir passé la barrière de péage. Je cours donc vers elles et elle m’indiquent ne pas aller exactement à Amiens. Pas de soucis, je prends si elle peuvent m’avancer. Je monte donc et dans les minutes qui suivent elle m’indiquent aller à Charleroi en Belgique. J’ouvre Google Maps pour m’apercevoir que c’est pile sur ma route. Me voilà donc superbement avancé. Ces deux personnes sont hyper sympathiques et nous passons ainsi 3 heures et demi à discuter de stop, de voyages et d’entraide.
Traverser la Belgique
Une fois à Charleroi je me poste à la sortie d’un rond-point repartant vers l’autoroute. Là-bas j’attendrai dix minutes avant qu’un amical routier belge ne s’arrête. Première fois pour moi dans la cabine d’un semi-remorque. J’apprécie la vue ainsi que la discussion. Cependant quelque chose dans la cabine me provoque une quinte de toux assez désagréable qui cesse dès que je descend sur une aire de service un peu avant Namur.
Sur cette aire j’attends à nouveau quelques dix minutes avant de tomber sur quelqu’un pour continuer ma route. Cet homme, un belge, travaille dans la finance et le conseil aux entreprises. Je trouve ça absolument fou la variété des profils qui s’arrêtent pour aider les auto stoppeurs. Je pense que ce n’est vraiment pas une question de classe sociale mais un désir de l’individu de rendre service et discuter. En tout cas encore une fois le trajet et la discussion sont bien agréables. Il m’arrête au bout d’une heure sur une nouvelle aire (entre Liège et Verviers) et essaye même de m’aider à trouver l’étape suivante en abordant un touriste hollandais, sans succès.
Arrivée dans les temps
C’est après une demi-heure de patience qu’un jeune belge à la voiture aussi sportive que sa conduite me reprend pour quelques kilomètres. Il me stoppe au nord d’Eupen ou un allemand m’emmènera pour les derniers kilomètres vers Aachen (ou Aix-La-Chapelle). Bilan des courses, j’arrive à Aachen à 17 heures, marche 20 minutes et donc arrive au point de rendez-vous, le bar-restaurant Papillon à 17h20, avec moins d’une demi-heure de retard. Objectif atteint ! Comme quoi, faire du stop, ça marche. Bon évidement il aurait été tout aussi possible que je ne couvre pas la distance dans la journée. Et je ne peux qu’imaginer que le fait que je sois seul, blanc et bien habillé ai joué en ma faveur.
La rencontre PIVX
Me voilà donc dans ce bar avec des allemands qui comme moi sont passionnés par les cryptomonnaies et en particulier le sujet du jour : PIVX. Je ne parle malheureusement pas un mot d’allemand, en revanche les allemands parlent anglais correctement pour la plupart d’entre eux et ils font toujours l’effort de s’exprimer dans cette langue lorsqu’il s’adressent à moi. On me fait immédiatement sentir que je suis le bienvenue et m’offrant une bière. Et comme c’est ma première fois en Allemagne on m’offre aussi un plat bien traditionnel : le Schnitzel.
La soirée se déroule donc à discuter de PIVX, de libertarisme, des cryptomonnaies en général et de leur trading et de la blockchain. Des sujets qui méritent des articles entier à eux seuls. Une bonne partie du débat s’effectue en allemand mais il y a toujours quelqu’un pour me faire la traduction ou la conversation. Vers 19 heures je commence à m’inquiéter de trouver un endroit pour dormir et il semblerait qu’il était temps car en Allemagne tout ferme tôt (à ce qu’on me dit). Quelqu’un a donc la gentillesse de m’indiquer une auberge de jeunesse et de l’appeler pour moi. Je fais un aller-retour pour déposer mes affaires et payer les 22€ pour la nuit. Et me voilà reparti pour la soirée.
On continue d’enfiler les bières. Ici ce sont des Pils et Lager, pas trop fortes mais arrivant par demi litre. La soirée se poursuit dans un bar dansant. Et je finis par aller me coucher avec la tête qui tourne et pleine de toutes ces rencontres.
Aix-La-Chapelle, capitale de l’empire
Comme je suis un bon touriste et passionné d’histoire européenne, je ne peux pas manquer l’occasion de visiter Aachen. Cette magnifique petite ville thermale situé à la frontière de l’Allemagne, la Belgique et les Pays-Bas était en effet la résidence favorite de l’empereur européen Charlemagne. C’est aussi l’endroit où il est enterré.
La cathédrale en elle-même est magnifique. Mais bien sûr la ville n’est pas en reste et avec la superbe météo du week-end j’ai pu en profiter et me balader dans les rues.
On reprend la route
Vers 14 heure le samedi, satisfait de ma visite de la cité impériale je me suis remis à faire du stop. Une petite dizaine de minutes avant qu’un jeune allemand parlant un anglais impeccable ne m’attrape à la sortie de la ville pour me déposer sur l’aire d’autobahn la plus proche. Il se trouve que ce jeune homme a passé récemment un mois à visiter la France en stop et avait vraiment apprécié l’expérience. Une fois sur cette aire j’ai du attendre un peu plus d’une heure avant qu’un français allant effectuer une livraison à la frontière polo-biélorusse ne me prenne. Et il m’a amené directement à mon objectif suivant, Dortmund. Le trajet a amené la conversation principalement sur la politique et la religion et c’était tout à fait passionnant.
Une fois à Dortmund, j’ai immédiatement retrouvé Peter qui était la raison de ma venue dans cette ville. Vous savez, Peter, cet allemand rencontré à Ayuttahya avec qui j’ai passé un mois à traverser la Thaïlande et la Birmanie. Eh oui, l’amitié ne tient pas compte des distance. L’important c’est le plaisir des moment passé ensemble. Et ça nous en avons eu.
Dortmund et une soirée à l’allemande
Peter m’a immédiatement accueilli chez lui et présenté Inga, sa compagne. Puis nous avons rejoint leurs amis dans un bar pour un match de football opposant le Dortmund BVB au Liepzieg Redbull. Victoire des Redbull 3-2, mais ce fut l’occasion de déguster une saucisse curry avec une bière et de commencer à faire connaissance.
Après ça on se sépare en deux groupes pour un jeu de piste. Le premier groupe flèche la ville et le deuxième essaye de suivre. On s’arrête parfois aux Trinkhalle. Je ne vous étonnerai pas en parlant de racine germanique commune et en disant qu’on retrouve là une étymologie à base de « drink » et « hall » en anglais. Un endroit ou l’on boit donc. Il s’agit en fait d’épiceries ouverte très tard (pour l’Allemagne) et ou l’on peut acheter à boire.
Après quelques heures d’explorations nocturnes on finit par rejoindre le premier groupe et optons pour un club situé juste en face. Malgré mes chaussures de marche l’entrée n’est pas un problème. Le club est à moitié vide mais la musique rock au sonorités un ton électro sont très sympas et quand nous quittons les lieux vers cinq heures pour aller se coucher, je ne peux pas dire autre chose que ma satisfaction d’avoir dansé.
Dortmund le jour
Le lendemain évidement on ne se réveille pas très tôt. Peter et Inga très prévenants me proposent un café croissant bien au-delà de mes espérances pendant qu’ils savourent fromage et charcuteries pour le petit-déjeuner. Après cela Peter et moi repartons faire un peu d’exploration urbaine.
La météo est toujours extrêmement agréable et les rues plutôt calmes. On monte sur le toit du centre culturel qui offre une vue imprenable sur la ville.
Après ça on continue de visiter la ville, on fait un tour de métro et vient le moment de se dire au revoir.
Retour motivé
Il est environ quatorze heures et je me décide à repartir le jour même, malgré les faibles chances d’arriver avant la nuit. En réalité il aurait même été rigoureusement impossible d’arriver avant minuit. Mais je décide de tenter le coup, quitte à devoir dormir dans un hôtel en route. Peter me dépose à une sortie de la ville. J’attends alors 40 minutes avec assez peu de passage avant qu’un jeune allemand ne me prenne en direction de Essen.
Sur la route il voit une voiture française et me l’indique, je jette un œil pour voir une immatriculation 76, Seine-Maritime. Alors évidement je m’emporte et attrape mon ardoise blanche, ma bonne amie afin d’écrire France et commencer à faire des signes. Lorsque la voiture nous double, le conducteur attrape mon ardoise pour essayer de la mettre en vue du conducteur français. Mais sa fenêtre est ouverte, et secouer une planche de plastique par la fenêtre en roulant vite a une conséquence inévitable : l’envol de l’ardoise ! Me voilà donc avec un outil de moins pour finir ma route.
Faire du stop sans panneau
Le conducteur m’arrête à Essen et c’est en moins de cinq minutes que la conductrice suivante s’arrête alors que ma seule arme est mon pouce. Elle me conduit jusque Dusseldorf ou elle vit et me dépose à l’aéroport qui semble être plutôt un bon choix. En réalité je galère à trouver un endroit qui me satisfait et rentre dans l’aéroport pour manger un peu. Je finis quand même par trouver un endroit correct et après moins de temps que je ne l’aurai imaginé c’est une pilote d’avion ayant finit sa journée de travail qui me prend.
Faire du stop ça demande de la patience mais aussi une certaine forme physique. Car il faut toujours rester debout. On piétine, avec le sac sur les épaules pour faire sérieux. On garde le pouce bien haut et il faut accompagner tout cela d’un sourire. Parfois plusieurs heures par jour. Personnellement je trouve que le jeu en vaut largement la chandelle et recommencerai. Mais à ce point là je n’était pas encore au bout de mes peines.
La pilote donc me dépose sur une aire assez idéale ou j’attends assez peu avant que quelqu’un s’arrête à nouveau. Un allemand qui parle français et se rend en France pour son travail de négoce dans le bois. Cependant il part bien plus dans l’est de la France que moi. Il fait quand même un important détour pour me déposer sur une aire aux alentours de Namur. Là-bas c’est un français d’origine arménienne qui me récupère presque immédiatement. Celui-ci rentre chez lui vers Paris. On fait donc un bon bout de route ensemble et il me dépose sur l’énorme aire d’Assevilliers, a l’embranchement de l’A1 allant vers Paris et l’A29 vers l’ouest. Mais entre deux il est 22 heures et la nuit est tombé.
Nuit sans sommeil
Dès les dix premières minutes trois voitures s’arrêtent. pas de chance, toutes vont vers Paris. Et après cela, le débit se réduit. De moins en moins de voitures passent et aucune ne se stoppe. L’aire d’Assevilliers comporte un hôtel. J’envisage donc d’y passer la nuit. Mais après vérification, le prix de 92€ pour quelques heures de repos me semble rédhibitoire. Après deux bonnes heures d’attente deux françaises rentrant du semi-marathon d’Amsterdam s’arrêtent et me proposent d’aller vers Amiens. Cela m’avance et le choix me semble judicieux d’arriver sur la bonne autoroute et dans la bonne direction.
Malheureusement l’aire ou elles me déposent est peu fréquentée. D’autant plus qu’il est déjà une heure du matin. Je m’installe donc dans le coin café et attend que les gens s’arrêtent pour les aborder directement. Peu avant trois heures un belge se rendant en Bretagne accepte avec quelques réticences de m’emmener. Il doit passer par le pont de Normandie, ce qui permettrait qu’il me dépose chez moi peu avant.
Pas de chance, il a mal réglé son GPS et passe par Rouen et l’A13. Je m’en rends compte juste après qu’il se soit définitivement engagé. Mais je me débrouille et lorsqu’il me dépose sur l’A13 trouve immédiatement un conducteur de semi-remorque qui me dépose de l’autre côté du pont de Tancarville. Après ce pont un petit quart d’heure et quelqu’un allant travailler s’arrête pour moi et me dépose à une demi heure de marche de chez moi. Motivé je me met en marche, mais quand une voiture passe, réflexe, je pouce. Et c’est ainsi qu’on me dépose à 300 mètres de chez moi. Que je parcours en marchant. Jusqu’à mon lit et ces six heures du matin du début d’article.
Bilan : faire du stop, j’aime ça
Comme je le disait un peu plus haut, c’est une expérience que je réitérerai avec plaisir. Finalement j’ai toujours attendu moins longtemps que roulé au global. J’ai rencontré des gens de toutes sortes, mais tous ouvert d’esprit et agréables. J’ai économisé beaucoup d’argent par rapport au train. Alors oui il faut avoir du temps à perdre mais les rencontres en valent largement la peine d’après moi.
Dommage la pancarte qui s’envole devant la voiture 76 😀
Carrément ! Mais bon ça m’a fait rire. Le conducteur lui était tout désolé de me l’avoir perdu. Enfin j’ai quand même eu une frayeur qu’une voiture derrière puisse se la prendre.